Paludisme infantile au Niger

Un reportage depuis le cœur des villages nigériens, entre douleur, espoir et résilience maternelle

le combat silencieux des mères dans les zones rurales

📍 Tessaoua, Région de Maradi — Avril 2025

Dans les terres arides du sud du Niger, où la saison des pluies rime souvent avec recrudescence des maladies, le paludisme continue de faucher des vies innocentes. Chaque année, ce fléau tue des milliers d’enfants nigériens, surtout dans les zones rurales. Les mères, souvent livrées à elles-mêmes, se battent au quotidien dans le silence pour sauver leurs petits. Ce reportage, ancré dans la réalité locale, donne la parole à ces femmes invisibles, héroïnes de la santé publique dans les marges oubliées du pays.


📊 Le paludisme : première cause de mortalité infantile au Niger

Selon les données du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) du ministère de la Santé publique du Niger, plus de 8 millions de cas de paludisme ont été enregistrés en 2021, dont une majorité chez les enfants de moins de 5 ans. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’environ 25 000 décès ont été causés par cette maladie la même année, un chiffre alarmant pour un pays de 26 millions d’habitants.

« Chaque minute, un enfant meurt du paludisme en Afrique. Le Niger est en première ligne de ce drame », déclare le Dr Fatouma Mahamane, épidémiologiste au bureau de l’OMS à Niamey.


👩🏾‍🦱 Témoignages poignants : les mères face à l’urgence

Dans le petit village de Tchaké, situé à 15 km de Tessaoua, Hadiza Ibrahim, mère de cinq enfants, nous accueille devant sa case en banco. Le visage marqué par les veilles sans sommeil, elle raconte :

« Mon fils Ali avait trois ans. Il a commencé à faire de la fièvre la nuit. Je croyais que c’était un rhume. Quand j’ai compris que c’était le palu, il était trop tard. L’hôpital est à 2 heures de marche, et je n’avais même pas 1000 francs CFA pour payer la moto. »

Comme Hadiza, des milliers de femmes nigériennes se heurtent à un système de santé fragile, un manque d’infrastructures et une pauvreté structurelle qui retardent ou empêchent l’accès aux soins. Le Centre de santé intégré (CSI) de Tessaoua, qui dessert plus de 10 000 habitants, ne dispose que d’un seul lit d’hospitalisation pédiatrique et d’un stock irrégulier d’antipaludéens.


🏥 Un système de santé sous pression

Selon l’UNICEF Niger, seuls 32 % des enfants fébriles reçoivent un traitement antipaludique approprié dans les 24 heures suivant l’apparition des symptômes. Dans certaines zones rurales comme Diffa, Agadez ou Dosso, l’accès aux centres de santé peut prendre plus de 5 heures à pied, avec des risques accrus pour les nourrissons.

« Il faut augmenter le nombre d’agents communautaires et renforcer les campagnes de dépistage rapide dans les zones rurales », insiste le Dr Abdoulaye Issoufou, coordinateur local de Médecins Sans Frontières (MSF) à Zinder.


🦟 Un combat aussi contre la pauvreté et les croyances

Le paludisme est une maladie liée aux piqûres du moustique Anopheles, mais sa gravité au Niger résulte d’un ensemble de facteurs : mauvais drainage des eaux, absence de moustiquaires imprégnées, anémie nutritionnelle chez les enfants, mais aussi croyances locales.

À Matamèye, une autre mère, Aïssa Diallo, confie :

« Chez nous, certains disent que la fièvre vient des esprits ou d’un mauvais sort. Beaucoup de familles vont d’abord voir le marabout avant d’aller à l’hôpital. »

Ce retard dans la prise en charge médicale est souvent fatal. Les ONG locales comme ALIMA ou Plan International Niger ont lancé des programmes d’éducation sanitaire en langue haoussa et zarma pour sensibiliser les familles à reconnaître les signes précoces de la maladie.


🛡️ Moustiquaires, tests rapides, prévention : ce qui marche

La distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée (MILDA) a permis une baisse modérée de l’incidence du paludisme, selon les statistiques du PNLP. En 2023, près de 6,4 millions de moustiquaires ont été distribuées au niveau national.

De même, l’introduction des tests de diagnostic rapide (TDR) dans les centres de santé a permis d’orienter plus rapidement les traitements. Cependant, la couverture vaccinale du nouveau vaccin antipaludique RTS,S reste limitée, en attente d’un déploiement à grande échelle.


📚 Recommandations et perspectives

Le Rapport national de santé 2024, publié par le ministère de la Santé, recommande les actions suivantes pour réduire la mortalité infantile liée au paludisme :

  • Intégration du vaccin RTS,S dans le calendrier vaccinal national
  • Renforcement de la logistique dans les CSIs
  • Multiplication des agents de santé communautaires formés au diagnostic rapide
  • Sensibilisation culturelle avec l’implication des leaders religieux et traditionnels

✊🏾 Une lutte quotidienne, mais pas vaine

Malgré les obstacles, de nombreuses mères continuent de se battre. À travers des groupes de solidarité féminine, elles s’échangent des conseils, organisent des collectes pour l’achat de médicaments, et soutiennent les veuves de la maladie.

« On ne peut pas rester les bras croisés. Ce sont nos enfants. Tant que je vivrai, je lutterai », conclut fièrement Fati Saley, membre du collectif “Femmes pour la Vie” à Maradi.


🔍 Références et sources officielles :

  • OMS Niger : https://www.afro.who.int/fr/countries/niger
  • UNICEF Niger – Rapport 2023
  • PNLP – Programme National de Lutte contre le Paludisme
  • MSF Niger – Bulletin trimestriel 2024
  • Ministère de la Santé Publique du Niger – Statistiques sanitaires 2024

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