Vaccination au Niger : Entre espoir et inégalité – la réalité de la couverture vaccinale contre la rougeole et la diphtérie dans les villages reculés

Enquête depuis les zones rurales du Niger, où la vaccination infantile reste un privilège pour beaucoup.

📅 Avril 2025 – Région de Zinder, village de Takieta

Sous un soleil écrasant, une dizaine de mères attendent patiemment l’équipe mobile de vaccination dans un centre communautaire en banco. Certaines sont venues de plusieurs kilomètres, à pied ou à dos d’âne, pour offrir à leurs enfants une protection contre des maladies potentiellement mortelles. Mais aujourd’hui, une mauvaise nouvelle les attend : la dose de vaccin contre la diphtérie est en rupture.

« Mon fils a raté sa première dose en janvier. Maintenant, on me dit de revenir dans un mois. Mais comment faire le trajet encore une fois ? », s’interroge Fatouma Harouna, jeune mère de trois enfants.


🌐 Contexte : une couverture vaccinale très inégale

Le Niger a fait des progrès notables en matière de vaccination depuis les années 2000. Toutefois, les taux de couverture vaccinale contre la rougeole et la diphtérie restent très en dessous des objectifs recommandés par l’OMS (≥ 95 %).

Selon le Ministère de la Santé Publique et UNICEF Niger (Rapport 2024) :

  • Couverture vaccinale rougeole (1ère dose) : 63 % au niveau national
  • Couverture vaccinale diphtérie-tétanos-coqueluche (DTC3) : 58 %
  • Dans certaines zones rurales (Diffa, Zinder, Agadez) : < 40 %

Ces chiffres sont bien en dessous du seuil nécessaire pour une immunité collective.


🚫 Pourquoi tant d’enfants ne sont-ils pas vaccinés ?

L’enquête révèle plusieurs obstacles structurels et culturels.

1. 🚗 Distance et inaccessibilité géographique

Dans les villages enclavés comme Madawa (Maradi) ou Tounfafi (Tahoua), le centre de santé le plus proche peut se trouver à 15 à 25 km. Pour les mères sans moyen de transport, cela signifie renoncer à la vaccination.

« Nous avons un enfant malade et pas de moto. Nous attendons que l’équipe vienne, mais parfois elle ne passe pas pendant des mois », explique Aïssa Diallo, habitante de Magaria.

2. ⚠️ Ruptures de stock et chaîne du froid

Le vaccin contre la diphtérie (DTC) et celui contre la rougeole doivent être conservés entre +2°C et +8°C. Or, 40 % des centres ruraux ne disposent pas de réfrigérateurs fonctionnels. Des projets pilotes de chaîne du froid solaire sont en cours avec UNICEF, mais la couverture reste insuffisante.

3. 🚫 Défiance culturelle et désinformation

Dans certaines communautés (peulhs nomades, villages haoussa), des rumeurs circulent :

  • Le vaccin rendrait stérile
  • Il causerait des maladies à long terme
  • Il serait un complot contre les musulmans

Des ONG comme Plan International Niger et CRS mènent des campagnes de sensibilisation via la radio, les mosquées et les agents de santé communautaires formés.

4. 💊 Manque d’agents de santé formés

Beaucoup de centres isolés n’ont qu’un seul infirmier pour plusieurs villages, sans formation spécifique à la gestion des programmes de vaccination. Certains refusent de manipuler des vaccins sans supervision.


📅 Cas de résurgence : rougeole et diphtérie

💥 Rougeole : une menace récurrente

En 2023, plus de 10 000 cas de rougeole ont été recensés selon l’OMS Niger, avec des foyers dans les régions de Dosso et Zinder. La maladie touche principalement les enfants non vaccinés entre 1 et 5 ans.

📉 Diphtérie : un fléau qu’on pensait disparu

143 cas confirmés de diphtérie ont été enregistrés en 2024, avec plusieurs décès. Les cas proviennent surtout de zones rurales mal desservies, où la couverture vaccinale DTC est inférieure à 40 %.

« Nous pensions que la diphtérie était éradiquée. Mais faute de suivi vaccinal, elle revient silencieusement », explique le Dr Harouna Abdoulaye, coordinateur régional OMS à Tahoua.


🙌 Des solutions locales qui fonctionnent

1. 🌊 Campagnes de vaccination mobile

Le PEV (Programme Elargi de Vaccination) organise des opérations de porte à porte pendant la saison sèche. Résultat : dans la commune de Dogondoutchi, la couverture vaccinale rougeole est passée de 54 % à 79 % entre 2021 et 2024.

2. 🎥 Radios communautaires et leaders locaux

Les messages en haoussa et zarma, diffusés via “La Voix du Sahel” ou “Radio Maradi”, ont amélioré l’adhésion. L’implication des imams et chefs traditionnels est décisive.

3. 🩺 Intégration à la consultation prénatale

Dans certains CSIs, les femmes enceintes reçoivent les informations vaccinales et les premiers RDV pour leurs enfants lors des visites anténatales.

4. 🏢 Stockage solaire et nouvelles technologies

UNICEF et GAVI testent des réfrigérateurs solaires dans les régions de Tillabéri et Agadez avec des résultats prometteurs.


📐 Recommandations des experts

  • Créer un registre numérique national de vaccination (avec carnet numérique)
  • Développer des équipes mobiles permanentes dans les zones à couverture < 50 %
  • Renforcer les formations accélérées du personnel de santé communautaire
  • Intégrer la vaccination dans les programmes sociaux (distribution alimentaire, filets, etc.)

« La vaccination n’est pas seulement une question de santé. C’est une stratégie de développement humain », rappelle Dr Rakiatou Maiga, spécialiste en santé communautaire à Niamey.


🌐 Conclusion : Une priorité nationale vitale

La couverture vaccinale au Niger, en particulier contre la rougeole et la diphtérie, reste largement insuffisante dans les villages reculés. Cette situation expose les enfants à des épidémies évitables, fragilise les familles, et met en péril les acquis sanitaires du pays.

Il est temps de considérer la vaccination non comme un simple acte médical, mais comme un droit fondamental pour chaque enfant nigérien, qu’il vive à Niamey ou dans les recoins les plus isolés du Sahel.


📄 Sources officielles et références

  • Ministère de la Santé Publique du Niger – Données PEV 2024
  • UNICEF Niger – Rapport annuel santé infantile 2023
  • OMS Niger – Bulletin épidémiologique 2024
  • Plan International Niger – Stratégie communautaire 2023
  • GAVI Alliance – Programme de soutien logistique 2024
  • MSF Niger – Rapport de mission Agadez-Zinder 2023

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